lundi 15 août 2011

L'Assomption de la Sainte Vierge Marie





Dans le canon qu’il écrivit sur l’Annonciation de la Théotokos, Saint Jean Damascène commence en ces termes :
« Ô Toi, Arche Vivante de Dieu, nulle main impure ne peut le toucher… » Ainsi, Uzza comme il étendit la main pour toucher l’arche sainte, mais sans âme, fut-il instantanément tué par Dieu, ainsi rapporte la tradition ; tandis que les Saints Apôtres enterraient son corps incorruptible, le juif Jéphonias tendit les mains pour toucher l’Arche vivifiante de la Toute-Sainte et les vit aussitôt coupées et tombées sur le lit funéraire.

Dans les Livres de notre église, la Dormition de la Théotokos que l’on fête le 15 août, le Synaxaire dit : « Le 15 août mémorise la Métastase de notre Glorieuse Maîtresse, la Mère de Dieu et toujours Vierge Marie ». Par la suite, le Synaxaire fait le récit intégral de la Métastase de la Toute-Sainte (Ascension), tel que nous l’a transmis la tradition, puisque les Evangiles ne disent rien sur Sa Dormition (Koimesis).

Quand le moment fut venu d’appeler près de Lui sa Mère, trois jours avant la Dormition le Christ envoya l’Archange Gabriel, celui-là même qui lui annonça la bonne nouvelle. L’Archange descendit près d’Elle, lui donna une branche de palmier. Peut-être en ce geste se cache-t-il un profond symbole ? Il lui annonce la divine Migration de la terre au ciel, de la vie éphémère à la vie éternelle. La Toute-Sainte Vierge se réjouit à l’écoute de la Parole angélique.

Auparavant, Elle s’était rendue au Mont des Oliviers pour prier et rendre grâces à Dieu. Alors qu’elle montait, les arbres, comme de la matière vivante, s’inclinaient et se prosternaient devant Elle. Il était notoirement connu que Marie priait des heures durant en ce lieu. Saint André de Crète rapporte que les pierres de la terre s’étaient creusées en de nombreuses cavités sous l’effet de ses fréquentes prosternations. Et ces cavités, le Saint les a vues en son temps : « Des inclinations de Ses genoux, les pierres ont été percées et criées ».

Après de longues prières, la Toute-Sainte retourna chez Elle. En chemin, Elle sentit un terrible tremblement traversé son corps. En arrivant dans Sa demeure, Elle alluma toutes les lumières, appela ses voisins et ses proches. Elle met en ordre sa maison et prépare son lit mortuaire et explique ce que Dieu lui a révélé. Elle montre la branche de palmier tandis que les invités commencent à pleurer. La Toute-Sainte les console et leur dit que depuis le ciel Elle les protégera, les apaisera. Aussitôt on entendit le tonnerre. En grand nombre les nuées recouvrent la maison de Marie, et l’un après l’autre, les Saints Apôtres commencèrent à descendre, arrivant des « confins de la terre » ainsi que le dit l’hymnographe. Les nuées sont allées chercher les Apôtres, dispersés de par le monde. Ils se retrouvent tous réunis devant le corps incorruptible de Marie. En compagnie des Saints Apôtres se trouvent aussi Saint Denys l’Aréopagite, son maître Saint Hiérothée, l’Apôtre Timothée, d’autres hiérarques et l’Apôtre Paul de Tarse. Des larmes mêlées de joie et de tristesse inondent leurs yeux. La Toute-Sainte leur fait Ses adieux ; Elle prie avec ferveur son Divin Fils, pour eux, pour la paix dans le monde et leur purification. Elle s’allonge sur le lit mortuaire qu’Elle-même avait préparé. Puis Elle remet son âme très sainte dans les mains de Son Fils, venu la recueillir. L’iconographie byzantine a figuré ce moment : debout derrière le corps « endormi » de la Vierge Marie, le Christ tient en ses mains Son âme, sous la forme d’un petit enfant, pour la conduire vers le ciel. Après avoir chanté Ses louanges, les Saints Apôtres soulèvent le lit mortuaire et à la lueur des bougies et aux accents des hymnes funéraires, partent enterrer à Gethsémani le corps incorruptible et divinisé de la Mère de Dieu. Le chœur des Anges accompagne le cortège.

Au même moment, les Juifs, à ces miracles, sont saisis de jalousie et préméditent de détruire et de souiller la couche funèbre de Marie. Ils n’ont pas le temps d’agir, car ils sont tous instantanément aveuglés. Et voici qu’un juif, du nom de Jéphonias, s’approchant du corps incorruptible de la Mère de Dieu, voit ses mains coupées. Certains d’entre les Juifs se sont plus tard repentis ; ils ont cru, et de nouveau ils ont vu la lumière. C’est ainsi que Jéphonias retrouva de nouveau ses mains.

Arrivant à Gethsémani, les Apôtres  enterrent avec les honneurs le corps très saint de la Théotokos. Ils y restent trois jours, en écoutant, jour et nuit, les hymnes que chantent les Anges. Selon la divine économie, il y eut un absent de marque à l’enterrement : Saint Thomas (encore lui), arrivé le troisième jour. Il était rempli de tristesse de n’avoir pas eu le privilège – comme les autres Apôtres – de participer et d’assister aux funérailles. Alors ses compagnons lui ouvrent le tombeau pour qu’il puisse se prosterner devant le corps de la Sainte Vierge. Mais, avec admiration et stupéfaction, tous constatent la tombe vide ! N’y subsistait, comme au jour de la Résurrection du Christ, que le linceul. Aussitôt, devant le tombeau vide de Marie, les Apôtres s’agenouillent et se prosternent. La Métastase (Assomption) de la Vierge Sainte est accomplie.

De nombreux théologiens, - la Dormition n’étant pas mentionnée, ni dans le Nouveau Testament, ni dans les Actes des Apôtres, ni dans les décisions œcuméniques -, considèrent le thème de la Divine Métastase comme relevant du corpus des  « theologomena » (« l’opinion, l’interprétation théologique »), étant donné que les autres homologies ne le rejettent pas. Mais il faut tenir compte, particulièrement en ce qui concerne la Métastase de la Théotokos, des plus beaux hymnes que notre Eglise consacre à la Sainte Vierge. La tradition des Pères Théophores ne peut nier le miracle de la Métastase de la Toute-Sainte. Un miracle analogue à celui de l’Ascension du Christ. Selon Saint Ephraïm de Syros, par l’Ascension et la Métastase, Adam et Eve revêtent une nouvelle corporéité, celle de Jésus et de Marie, Nouvel Adam et nouvelle Eve.

Dans ses superbes homélies à la Dormition de la Théotokos, Saint André de Crète éclaire le mystère du transfert du corps de Marie. Ce corps n’est pas la chair corruptible de sa vie terrestre, mais le corps glorieux, incorruptible et spirituellement « changé » tel que Saint Paul le décrit : « …et les morts ressusciteront, incorruptibles, et nous, nous serons transformés. Il faut en effet que cet être corruptible revête l’incorruptibilité, que cet être mortel revête l’immortalité. Cet insondable mystère de la Métastase, le chrétien ne peut le comprendre sans « le rayon divin de la surveillance mystique » qui seul nous permettra d’en scruter la profondeur. C’est par une vie sainte que le corps de tous les chrétiens est promis à la déification, cette fin dernière de chaque fidèle. Le terme « Métastase » fut sujet à controverses. Le corps incorruptible de la Toute-Sainte, une fois ressuscité et monté aux cieux comme celui de Son Fils Jésus-Christ, pourquoi en effet, n’emploie-t-on pas les termes de Résurrection et Ascension ?

Les Saints Pères répondent :

a/La Résurrection et l’Ascension de la Sainte Vierge ne sont pas citées dans les Evangiles, comme c’est le cas pour Jésus ;
b/La Résurrection et l’Ascension de la Théotokos est un « dogme mystique » de l’Eglise et non un « kérygme », et pour cette raison, caché en silence et en secret par les Saints Pères. Ainsi Saint Basile dit : « les dogmes se taisent, les kérygmes se publient » ;
c/Le sens du terme « Métastase » est plus universel (orthodoxe) que ceux de Résurrection et Ascension, car il les englobe tous deux.

Nombreuses sont les fleurs patristiques hymnographiques, dédiées à la Métastase de la Toute-Sainte, nombreux sont ses fidèles. Là où il y a une église, l’âme douloureuse de l’homme s’épanche devant l’icône de la Sainte Vierge et y dépose la charge de ses peines. Elle est partout honorée et tout particulièrement en Grèce où églises de villes et églises de villages portent son nom. Durant le mois d’août, qui lui est consacré, la fête de la Dormition de la Sainte Vierge est Métastase, voit la profondeur de ses crimes et l’espoir de sa propre Métastase. Le tombeau de la Toute-Sainte n’est pas seulement son « échelle du ciel », mais aussi celle de chaque fidèle qui se bat au-dessus de la Croix du Christ. La mémoire de la Dormition « n’est pas triste, et de deuil, mais joyeuse et réjouissante ».

Saint Grégoire Palamas dit : « Sa mort est vivifiante, elle va vers la vie immortelle du ciel, et sa fête est joyeuse et universelle ».
Saint André de Crète dit : « Ne pleure pas Jérusalem, la fête d’aujourd’hui n’est pas triste, mais joyeuse ».
Saint Jean Damascène s’adressant à la Théotokos dit : « Ô Mère de Dieu, la mort n’a pu te toucher, mais tu l’as calmée, tu as dissous la tristesse et à la mort tu as montré la joie ».
Mais la joie de la fête, pour être pure, doit puiser ses vertus dans de bonnes œuvres. Rappelons-nous les mots de Saint Jean Chrystostome : « La fête qui est réjouissance spirituelle doit être accompagnée par de bonnes œuvres ».
Saint Nicodème nous conseille de faire de nos cœurs l’habitation des vertus de la Sainte Vierge. Nous devons garder nos cœurs purs comme Elle, pour en obtenir la grâce. La Saint Vierge se réjouit du jeûne, de la tempérance, de la sagesse et de l’humilité.

Que la Toute-Sainte intercède auprès de Son Fils, notre Dieu, pour nous pardonner, nous purifier, et nous mettre dans le sein d’Abraham, dans le Jardin d’Eden, là où il n’y a ni douleur, ni tristesse, mais la vie éternelle.

Père Théodore